Omar Sy admet enfin ce que nous tous depuis le début.

Quel est le sujet de Tirailleurs, film dans lequel vous incarnez le personnage de Bakary?

C’est l’histoire d’un père de famille sénégalais qui, pour protéger son fils Thierno recruté de force dans l’armée française en 1917, s’enrôle à son tour. Envoyés sur le front, les deux hommes affrontent la guerre ensemble. Au-delà des faits historiques, le film évoque une magnifique relation entre un fils (incarné par Alassane Diong, NDLR) et son père.

Vous intervenez sur ce film comme acteur et coproducteur. Pourquoi un tel engagement?

Je tenais absolument à ce que ce projet, en gestation depuis dix ans, aboutisse. La première fois que nous l’avons évoqué avec Mathieu Vadepied, le réalisateur, c’était sur le tournage d’Intouchables, film sur lequel Mathieu était chef opérateur.

Pourquoi ce projet vous tenait-il tant à cœur?

Il y a très peu de témoignages directs de ces combattants de la Première Guerre mondiale. Les tirailleurs dits “sénégalais” – ils sont venus du Sénégal mais aussi d’autres pays d’Afrique – sont 200 000 à être montés au front, aux côtés des poilus de la métropole. Et 30 000 d’entre eux sont morts sur les champs de bataille. Notre volonté est de raconter leur histoire, peu connue du grand public

Pourquoi la connaît-on si mal?

Je ne suis pas historien, mais peut-être y a-t-il là un désir inconscient d’oublier certains sujets douloureux. Un peu comme des secrets de famille que l’on évite d’aborder… Mais il est maintenant temps de raconter le parcours de ces hommes qui ont pris part à l’histoire de France.

Tirailleurs est très loin d’être un film clivant qui chercherait des coupables et des victimes…

Ce film existe pour que nous fassions histoire commune sans susciter de procès d’intention ou de postures victimaires. Nous n’avons pas tous la même mémoire, mais nous partageons la même histoire.

Posez-vous un regard différent sur la France depuis que vous vivez aux États-Unis?

Je n’ai pris aucune distance particulière avec l’histoire française. C’est la mienne pour toujours. J’aimerais juste contribuer à préserver notre capacité à faire société, en France. Même si cette idée est beaucoup critiquée – taxée d’utopie par certains, de naïveté par d’autres – j’y crois profondément. J’observe toujours les problèmes sociaux à travers ce prisme ; vivre ensemble est la seule solution

À quelles résistances vous heurtez-vous?

J’ai l’impression qu’aujourd’hui, chaque citoyen se cramponne à sa propre version de l’histoire, et que tout regard nouveau sur le passé représente un danger. Mais c’est en réalité tout l’inverse: la multiplicité des visions nous enrichit. L’histoire se transmet par la force des récits. Tirailleurs est un film grand public au sens noble du terme, destiné à toutes les générations et à tous les milieux. Approprions-nous notre histoire! Soyons fiers de ce qui nous constitue de génération en génération et de ce qui peut, au-delà de nos origines, nous rassembler!

Nous n’avons pas tous la même mémoire, mais nous partageons la même histoire.

Quel rôle l’art joue-t-il dans cette perspective?

En suscitant l’émotion, le cinéma a la capacité de toucher le cœur des gens. Ce film est un acte de transmission. C’est à travers des récits intimes qu’apparaît la complexité des expériences vécues, dans l’horreur de la guerre. L’histoire ne se transmet pas seulement à travers les manuels scolaires. Elle passe aussi par le cinéma, le spectacle vivant, le roman ou encore la bande dessinée…

Votre personnage parle en langue peule, présente en Afrique de l’Ouest. Pourquoi ce choix si fort?

Très loin du Sénégal, Bakary Diallo vient combattre pour un pays dont il ne connaît ni la langue ni les codes. L’entendre s’exprimer en peul permet au spectateur d’en prendre conscience.

Ce rôle est-il allé chercher en vous quelque chose que vous n’aviez jamais montré à l’écran?

En m’exprimant dans ma langue maternelle, ce que je porte en moi de la tradition peule s’est réveillé… Discret et pudique, le personnage de Bakary cultive une vie intérieure très profonde. Il est à l’image de cette tradition qui m’a été transmise par mes parents. Une partie de moi-même est mise à nu dans ce rôle. Je suis, moi aussi, quelqu’un de très pudique, même si je n’en ai pas l’air

Cette fiction raconte la relation entre un père et son fils…

Thierno, 17 ans, a une vision héroïque de la vie et se sent invincible. Il se construit avec, et contre, son père Bakary… Pour devenir un homme, il doit s’affranchir de l’autorité paternelle. La guerre exacerbe ce moment toujours un peu chaotique. Leur relation se transforme dans un moment où, coupé de ses repères, le père perd de son autorité

Vous êtes père d’une famille nombreuse, fondée il y a vingt-cinq ans avec votre épouse Hélène. Cette expérience a-t-elle nourri votre interprétation?

Bien sûr, cette histoire résonne en moi. En tant que papa de plusieurs enfants, dont certains sont de jeunes adultes, je sais que ce désir de transformation est toujours un choc pour les parents. Lorsque l’adolescent devient adulte, il faut un peu de temps pour l’accepter et trouver les moyens de renouveler la relation.

Ce père est prêt à sacrifier sa vie pour son fils…

C’est ce que l’on réalise en tenant son enfant dans ses bras pour la première fois: on est prêt à tout pour protéger ce petit être. Ce film évoque la solidité des liens familiaux. Il montre aussi la complexité et la beauté du rapport entre parents et enfants, au-delà des crises.

Bakary est aussi un homme de foi musulman. Cela lui donne-t-il de la force?

Croyant, il va puiser dans ses ressources spirituelles pour affronter l’épreuve de la guerre. Bakary possède un respect inconditionnel de la vie, sous toutes ses formes. Le rapport singulier aux vies minérales, végétales, animales et humaines, propre au peuple peul, transparaît à travers son personnage. Pour cet homme, tuer n’est pas un acte simple. Pourtant, comme les autres combattants, il va finir par accepter de faire la guerre pour aller vers un avenir de paix.

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