Eva Bester a vu Sitcom, le premier long-métrage du réalisateur, scénariste et producteur François Ozon, à l’âge de treize ans au cinéma. Un film qui lui avait autant plu que perturbée. Il y avait dedans la transgression d’à peu près tout ce qui était tabou.

L’auteur de Gouttes d’eau sur pierres brûlantes, adapté d’une pièce de Fassbinder, a toujours aimé, tout comme Peter von Kant, semer le trouble autant parmi ses personnages que ses spectateurs. Huit femmes, Swimming Pool, Potiche, Dans la maison, Jeune et jolie, Frantz, L’Amant double, Grâce à Dieu, ou Été 85 n’échappent pas à la règle, maîtrisant les genres et l’ambivalence. Celui qui aime la subversion des normes sociales se passionne pour l’inconscient, c’est-à-dire l’endroit où l’on peut voir les choses les plus fabuleuses et atroces.

Après le feu d’artifice Mon crime, le cinéaste fait dans l’épure avec Quand vient l’automne. Hélène Vincent y campe une vieille dame coulant des jours paisibles à la campagne, non loin de sa meilleure amie, incarnée par Josiane Balasko. La première est haïe par sa fille, Ludivine Sagnier. La seconde attend que son fils, joué par Pierre Lottin, sorte de prison.

Tourner à la campagne
François Ozon a tourné son nouveau film Quand vient l’automne en Bourgogne, à Donzy, près de Cosne-sur-Loire, dans la campagne, ce qui lui a fait beaucoup de bien après avoir tourné plusieurs films citadins : « C’est vrai que tourner en province, c’est un peu des vacances. Quand on se retrouve avec l’équipe, on est loin de la famille. Et puis la Bourgogne, c’est une région que j’aime beaucoup. J’y ai passé du temps l’été en vacances donc j’ai été heureux de retourner là-bas. En plus, on a eu un très beau temps. Enfin, c’était un peu perturbant parce qu’on attendait l’automne et l’année dernière à la même époque, c’était l’été indien donc on a dû attendre fin octobre début novembre pour avoir enfin les forêts avec des feuilles rouge et orange comme je le souhaitais. »

Le sujet de la famille dans sa filmographie
Souvent, la famille est malmenée dans les films de François Ozon : « Il y a la famille qu’on subit et la famille qu’on choisit. Il y a des liens familiaux qui sont plus forts que d’autres, comme ceux entre petits-enfants et grands-parents par exemple. Même si souvent, c’est très facile, pour employer un verbe qu’on emploie dans le film, d’être bousillé par ses parents. »

Le dernier film de François Ozon évoque aussi l’automne de la vie. Il met notamment en scène une vieille dame, Michèle, jouée par Hélène Vincent qui, chose rare dans les films, semble aimer sa solitude, reste coquette, prend plaisir à cuisiner, à déguster les plats qu’elle prépare : « Je suis assez fasciné par les personnes âgées et je trouve qu’elles sont invisibilisées dans le cinéma. Et je me pose aussi des questions, je me demande ce que je ferai de mes journées une fois à la retraite. Ce rythme m’intéresse, je l’envie presque parce que j’ai une vie trépidante de citadin. J’avais envie de montrer le rythme de cette femme de 80 ans qui est en bonne santé, qui s’occupe de son potager, va voir sa copine Marie-Claude qui n’a pas de permis de conduire, fait des longues promenades ou écoute la radio. Toutes ces activités quotidiennes, ça m’intéressait de les montrer, de les filmer, pour peut-être mieux les apprivoiser aussi. »

À travers ce film, François Ozon interroge donc aussi la vieillesse, sa place au cinéma et dans notre société : « La jeunesse inspire plus le désir et forcément toute la société va vers ça. Il y a une injonction qui demande de rester jeune, d’être en forme, de ne pas avoir de rides. Mais moi, je trouve que les rides, c’est passionnant à filmer, ça raconte énormément de choses, surtout quand on est réalisateur. Ça nous enlève des pages de scénario parce qu’il y a un vécu sur un visage. Dans mon film ; c’est merveilleux parce qu’Hélène Vincent et Josiane Balasko sont deux actrices qui assument leur âge. Hélène a plus de 80 ans, Josiane, 70, elles assument leur âge et ne sont pas passées par la chirurgie esthétique. Pour moi, c’était important d’avoir des actrices qui sont belles telles qu’elles sont. »

Sa propre vieillesse, François Ozon n’a pas le temps d’y penser. Pour lui, le temps passe trop vite : « Mon premier film, Sitcom, j’ai l’impression que c’était hier. Je n’ai pas vraiment le temps de me voir vieillir, même si je le sens depuis que j’ai dépassé les 50 ans ; j’ai perdu 20 % d’une oreille, je porte des lunettes. Maintenant, je suis presbyte et on m’a annoncé un début de cataracte, c’est le corps qui vous rattrape et le regard des autres évidemment. Parce que tout d’un coup, on sent que les choses sont plus compliquées dans les relations amoureuses, on attire moins ou sinon on attire d’autres personnes. »