La nomination de Benjamin Duhamel à la tête de l’interview politique de 7h50 sur France Inter, à partir de la rentrée prochaine, ne passe pas inaperçue. Et pour cause : si la direction de la station publique y voit une montée en puissance de son offre éditoriale, les syndicats, eux, y voient un risque majeur pour l’indépendance journalistique. À peine annoncé, ce transfert fait déjà grincer des dents.
À seulement 30 ans, Benjamin Duhamel, visage familier de BFMTV, s’apprête à succéder à Sonia Devillers sur la tranche matinale emblématique de France Inter. Mais un point fait polémique : le journaliste conserverait parallèlement une émission quotidienne le soir sur BFMTV. Un double engagement inédit à Radio France, qui a immédiatement provoqué une levée de boucliers au sein de la rédaction et de ses représentants syndicaux.
Dans un communiqué ferme et sans détour, les principales organisations syndicales de Radio France (CGT, CFDT, FO, SNJ, SUD, UNSA, SNJ-SDPI), la Société des réalisateurs de France Inter (SDRI) et le collectif des programmateurs et attachés de production (CPAP) ont clairement posé leurs conditions : « France Inter ou BFMTV, il faut choisir ».
Une crainte de conflits d’intérêts
Ce n’est pas tant le profil ou la compétence de Benjamin Duhamel qui sont en cause — tous s’accordent sur ses qualités professionnelles — mais plutôt la coexistence problématique de deux casquettes : celle d’un journaliste travaillant pour un groupe privé (RMC-BFMTV, propriété d’Altice) et celle d’un représentant du service public radiophonique. Cette double affiliation est jugée inacceptable par les syndicats, qui dénoncent un risque de confusion éditoriale et de perte de crédibilité auprès des auditeurs.
« La rédaction a massivement exprimé au directeur de l’information son opposition à ce cumul inédit pour France Inter », peut-on lire dans le communiqué. Le ton est clair, la position sans équivoque : pour conserver son intégrité, le service public doit s’assurer que ses voix ne soient pas partagées avec des intérêts privés.
L’indépendance éditoriale au cœur du débat
Pour les syndicats, cette nomination remet en question la sincérité de l’engagement de France Inter en faveur de l’indépendance journalistique. Ils craignent notamment que la gestion des invités — souvent politiques — ne soit influencée par les contraintes éditoriales divergentes des deux rédactions.
Mais le malaise va plus loin. Ils soulignent une iniquité criante : comment justifier qu’un journaliste externe bénéficie d’une telle flexibilité quand les collaborateurs de Radio France se voient régulièrement refuser des activités extérieures, même bénévoles ? Une décision qui, selon eux, manque cruellement de transparence, d’autant plus que plusieurs journalistes en interne auraient pu prétendre au poste.
Une pression grandissante sur la direction
Sans réponse claire de la direction de France Inter, les syndicats préviennent : ce flou pourrait ternir l’image de la station et affaiblir la confiance du public. Ils exigent une décision rapide et tranchée : « Si Benjamin Duhamel veut assurer à la rentrée l’interview de 7h50 sur France Inter, il doit renoncer à travailler pour BFMTV. »
Le dilemme est posé, et il dépasse largement la personne de Benjamin Duhamel. Il pose une question fondamentale sur les frontières entre médias publics et privés, sur les règles d’éthique et sur la cohérence du service public dans un paysage médiatique en perpétuelle recomposition.
À l’approche de la rentrée, la balle est désormais dans le camp de la direction de Radio France, qui devra arbitrer entre attractivité éditoriale et cohérence déontologique. Une décision qui pourrait bien faire date.