Jacques Charrier n’est plus. L’acteur et producteur, qui fut l’époux de Brigitte Bardot et le père de son unique fils Nicolas, s’est éteint à l’âge de 88 ans, dans la soirée du mercredi 3 septembre, à Saint-Briac-sur-Mer, en Ille-et-Vilaine. La nouvelle a plongé dans l’émotion non seulement le monde du cinéma,

mais aussi tous ceux qui se souviennent du couple qu’il forma jadis avec celle que l’on surnommait « B.B. ».

Pour Brigitte Bardot, qui vient à peine de faire face à la disparition de son ami proche Christian Brincourt, ce décès résonne comme un nouveau coup du sort. En l’espace de quelques jours, deux hommes ayant compté immensément dans son existence se sont évanouis, laissant dans son sillage un vide impossible à combler.

Né à Montpellier le 6 novembre 1936, Jacques Charrier ne se destinait pas, dans un premier temps, aux plateaux de tournage. Jeune homme passionné par les arts, il s’oriente vers la céramique et la création artisanale, une voie qu’il aurait pu suivre toute sa vie si le cinéma n’avait pas croisé son chemin. Son destin bascule lorsqu’il est repéré et choisi par Marcel Carné pour figurer dans le film Les Tricheurs, sorti en 1958. Ce rôle, marquant pour le cinéma français de l’après-guerre, lui ouvre les portes d’un univers auquel il ne s’attendait pas. Rapidement, son allure et son charisme séduisent, et Jacques Charrier se fait une place sur la scène artistique française.

Son parcours ne se limite pas aux caméras. Élève de l’École nationale supérieure des arts et techniques du théâtre, il intègre la Comédie-Française, où il affine son jeu et se forge une rigueur de comédien. C’est dans ce contexte que son chemin croise celui de Brigitte Bardot. Nous sommes en 1959, sur le tournage de Babette s’en va-t-en guerre de Christian-Jaque. La rencontre entre la star la plus médiatisée de son époque et ce jeune acteur prometteur se transforme en coup de foudre. Dans la foulée, ils se marient, attirant sur eux une attention médiatique considérable. Le mariage, célébré avec éclat, suscite une fascination internationale : Bardot, l’icône planétaire, venait d’épouser l’un des nouveaux visages du cinéma français.

De cette union naît, en 1960, un fils, Nicolas, qui restera l’unique enfant de Brigitte Bardot. Mais derrière l’image glamour, la réalité s’avère plus fragile. Le couple, soumis à une pression constante de la presse et aux exigences de leurs carrières respectives, se fissure peu à peu. Quatre ans après le mariage, la séparation est consommée.

Le divorce, prononcé en 1963, marque la fin d’une histoire aussi fulgurante qu’orageuse. L’épisode laisse des traces profondes : Brigitte Bardot, qui n’a jamais caché sa difficulté à se sentir investie dans son rôle de mère, se détourne en partie de la vie familiale. C’est Jacques Charrier qui obtient la garde de leur fils Nicolas, assumant une responsabilité qu’il a tenue à cœur, même après la fin de leur histoire.

Pourtant, Charrier ne se définit pas uniquement par son rôle d’ex-époux de Bardot. Si son image a longtemps été associée à celle de la star, il a poursuivi son propre chemin. Au cinéma, il multiplie les apparitions et reste une figure familière des spectateurs français. Mais c’est surtout vers les arts plastiques qu’il se tourne avec le temps, trouvant dans la peinture et la sculpture un espace plus intime et personnel.

Artiste discret mais passionné, il expose ses œuvres à plusieurs reprises, notamment à l’espace Pierre Cardin à Paris, et plus récemment encore, à la Salle des Halles à Saint-Briac, où ses créations furent visibles du 23 décembre 2019 au 6 janvier 2020. Ceux qui ont eu l’occasion de découvrir son travail y ont retrouvé un mélange de sensibilité et de force, reflet de sa personnalité complexe.

Sa vie privée, elle aussi, fut marquée par plusieurs chapitres. Après sa séparation avec Brigitte Bardot, il se remarie avec France Louis-Dreyfus, avec qui il a deux filles, Marie et Sophie. Le couple finit par divorcer, et Jacques refait sa vie avec une femme prénommée Linda, mère de sa fille Rosalie. Son dernier mariage, en 2009, le lie à Makiko, une photographe japonaise qui partagea ses dernières années. Ainsi, loin de se réduire à l’épisode Bardot, la vie sentimentale de Jacques Charrier témoigne d’un homme qui a toujours cherché à bâtir et reconstruire, à aimer et à transmettre.

La disparition de Jacques Charrier survient dans un moment particulièrement douloureux pour Brigitte Bardot. Deux jours auparavant, elle apprenait la mort de Christian Brincourt, journaliste et grand reporter qu’elle considérait comme un frère d’âme. Effondrée, elle avait exprimé sa douleur en des mots poignants : « C’est affreux ! J’ai le cœur en mille morceaux. Mon ami, mon jumeau […] est mort. Trop, c’est trop, je l’aimais tant. […] Non seulement il était un grand reporter international, mais c’était pour moi comme un grand chêne royal, plein de sagesse et de bons conseils, protecteur et me soutenant dans mon combat. » Ces mots résonnent encore plus fort aujourd’hui, alors que l’icône des années 1960 voit s’éteindre également celui qui fut, malgré les tempêtes, son premier mari et le père de son enfant.

Au-delà des drames personnels, la trajectoire de Jacques Charrier illustre une époque du cinéma français où tout semblait possible. Issu d’un milieu éloigné des plateaux, il incarne cette génération d’acteurs qui, à l’instar de Bardot, ont vu leur vie transformée par l’irruption de la modernité, de la Nouvelle Vague, et de la médiatisation croissante. Son parcours témoigne d’une curiosité et d’une polyvalence rares, lui qui n’a jamais cessé de créer, que ce soit par les mots, les gestes ou les couleurs de ses toiles.

Aujourd’hui, son nom restera associé à une double mémoire : celle du compagnon d’une star planétaire, mais aussi celle d’un artiste qui a suivi son propre chemin. Pour Nicolas, son fils, la perte est immense : il s’agit non seulement d’un père qui l’a élevé, mais aussi d’un homme qui a su construire une vie loin du vacarme des projecteurs. Pour Brigitte Bardot, la disparition de Jacques Charrier s’ajoute à la liste des départs qui la frappent en cette fin d’été 2025, accentuant ce sentiment d’une époque qui s’achève.

À 88 ans, Jacques Charrier laisse derrière lui une œuvre éparse mais sincère, et une empreinte indélébile dans l’histoire du cinéma français des années 1960. Son existence, marquée par les éclats d’un mariage mythique et par la discrétion d’un artiste attaché à sa liberté, s’achève à Saint-Briac, village breton où il s’était établi depuis de nombreuses années. Loin des tumultes du monde, c’est là qu’il a trouvé son ultime repos. Et c’est là, aussi, que ceux qui l’ont connu retiendront de lui l’image d’un homme à la fois passionné, tourmenté et profondément humain.