Patrick Bruel n’a jamais aimé la facilité. Et à 65 ans, alors que beaucoup se reposeraient sur leurs lauriers, lui préfère se réinventer. Dans une récente interview accordée à un média culturel, l’artiste a confié qu’il voulait désormais “être là où on ne l’attend pas.” Une phrase simple, mais qui en dit long sur l’état d’esprit d’un homme qui refuse l’immobilisme.
Depuis ses débuts, Patrick Bruel a construit une carrière protéiforme : acteur populaire dans les années 1980, chanteur à succès dès les années 1990, puis figure incontournable du paysage médiatique français. Pourtant, derrière cette longévité exemplaire, se cache une inquiétude permanente : celle de tourner en rond, de se répéter, de ne plus vibrer.
“Je ne veux pas refaire ce que j’ai déjà fait, même si c’est ce qui a marché,” affirme-t-il. “L’envie doit précéder la stratégie.” Cette déclaration pourrait paraître anodine, mais elle révèle une fracture nette avec une époque de calculs marketing et de formats calibrés. Chez Bruel, le moteur reste la passion. Et cette passion, il la nourrit aujourd’hui de projets nouveaux, parfois risqués, toujours personnels.
Depuis plusieurs mois, des rumeurs circulaient : un film en préparation, une pièce de théâtre, un album “différent”. L’intéressé n’avait rien confirmé… jusqu’à maintenant. Lors de cet entretien, il lâche quelques indices : “Il y a un projet qui me tient à cœur. Il n’est pas forcément attendu, mais il me ressemble.” Il n’en dira pas plus, mais son regard en dit long : ce nouveau virage n’est pas une lubie, mais une nécessité.
Interrogé sur la forme que pourrait prendre ce “renouveau”, Patrick Bruel esquive habilement. “J’ai toujours aimé la scène, mais peut-être que ce que je prépare, ce n’est pas une scène au sens traditionnel. Peut-être que c’est un cadre plus intime, plus brut.” Faut-il y voir un retour au théâtre, là où tout a commencé pour lui ? Ou bien un projet plus radical encore, comme une mise en scène, une réalisation, voire une aventure à l’étranger ? Impossible à dire. Ce qui est sûr, c’est qu’il a entamé une métamorphose.
Cette envie de surprise n’est pas nouvelle. Déjà dans les années 2000, il s’était aventuré dans des rôles plus sombres au cinéma, loin de l’image du chanteur romantique. Puis, avec certains de ses albums, il avait tenté des collaborations inattendues, flirtant avec d’autres genres musicaux. Mais aujourd’hui, le changement semble plus profond, plus radical.
“Je me suis longtemps demandé à quoi servait ce que je faisais,” confie-t-il. “Aujourd’hui, je veux que ça ait du sens, pour moi, pour ceux qui m’écoutent, me suivent.” Une quête de sens qui fait écho à celle de nombreux artistes de sa génération, confrontés à un monde culturel en mutation rapide.
Patrick Bruel n’ignore pas non plus les critiques, parfois acerbes, qui peuvent surgir quand une figure connue sort de son cadre habituel. “On attend de nous qu’on reste à notre place. Moi, ça m’étouffe.” Cette phrase résume peut-être tout. Le besoin d’oxygène, de risque, de déséquilibre créatif.
Et le public, dans tout cela ? “Je sais que je vais perdre certaines personnes en route,” admet-il sans détour. “Mais j’espère en toucher d’autres, peut-être plus jeunes, ou tout simplement curieux.” Il ne cherche plus l’unanimité, mais la vérité. Et cette vérité ne peut surgir que dans l’inconfort.
Cette posture artistique, entre lucidité et prise de risque, rappelle celle de grands noms qui, à un moment clé de leur carrière, ont choisi de tout bousculer : Alain Bashung, Jacques Higelin, ou même, dans un autre registre, Michel Piccoli. Tous ont osé sortir de leur zone de confort, au prix parfois d’une incompréhension passagère.
Mais Patrick Bruel n’est pas dans une stratégie de rupture pour choquer. Il veut simplement rester fidèle à lui-même. “J’ai envie de raconter autre chose, autrement. Peut-être que ce sera un échec, mais ce sera moi.” Cette phrase sonne comme un manifeste. Celui d’un homme qui, après avoir connu le sommet, n’a pas peur de repartir de zéro.
Certains proches le décrivent aujourd’hui comme “plus apaisé, mais plus audacieux que jamais.” Il aurait passé beaucoup de temps ces derniers mois à écrire, seul, dans sa maison du Sud. Un travail de fond, loin des caméras, loin des studios, mais essentiel. “Il n’a pas perdu l’envie”, dit un ami. “Au contraire, il en a une nouvelle.”
Reste à savoir quand et comment ce nouveau chapitre verra le jour. Patrick Bruel ne donne pas de date, ne promet rien. Il avance à son rythme, porté par cette volonté d’authenticité rare dans un milieu souvent dicté par l’urgence. Et cela, en soi, est déjà une forme d’audace.
“Je suis dans une phase de dépouillement,” conclut-il. “Je veux qu’on m’écoute pour ce que j’ai à dire, pas pour ce que j’ai été.” Une déclaration forte, presque poétique, qui laisse entrevoir un avenir artistique moins spectaculaire, mais peut-être plus vrai.
Le public sera-t-il au rendez-vous ? L’artiste, lui, semble prêt à affronter le doute, le risque, l’inconnu. Et c’est précisément ce qui le rend encore plus intéressant aujourd’hui. Patrick Bruel, en choisissant d’être là où on ne l’attend pas, prouve qu’à 65 ans, on peut encore étonner, bouleverser… et surtout, rester vivant.